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Extrait de séance – « je vois »

Extrait de séance – « je vois »

J’entre dans le bureau de ma psy, comme chaque semaine ou deux depuis 2 ans. Quelle surprise d’apercevoir un très grand tableau avec des couleurs vives qui illumine soudain toute la pièce !

 

Moi (m’arrêtant devant quelques instants) :

Eh ben ça change !

Ma psy :

Quoi donc ?

Moi :

Votre nouveau tableau !

Ma psy :

Il a toujours été là !

 

J’étais abasourdi. Moi qui suis si sensible et observateur, ce mastodonte m’avait échappé depuis 2 ans !

 

Mais le plus surprenant est que cette histoire s’est répétée de nombreuses fois depuis. Des clients réguliers se sont tournés vers mon tambour, accroché au mur derrière eux et donc visible en entrant dans mon bureau, et m’ont demandé s’il avait toujours été là.

 

Moi :

Il a toujours été là !

 

Et cette semaine c’était encore plus surprenant :

 

Robin (en regardant la plante verte devant lui, à un mètre à ma droite) :

Vous avez une nouvelle plante ?

Moi (je ris) :

Elle a toujours été là !

 

Ça fait un peu plus d’un an que Robin vient chaque semaine. Il n’avait pas vu la grande plante à un mètre de moi, devant ses yeux. Pourtant je peux vous assurer que Robin est sensible et observateur.

 

Alors que s’est-il passé ? À vrai dire je ne sais pas vraiment. J’imagine que lorsqu’une altération de conscience s’opère (prise de conscience, lâcher-prise) il y a de l’espace pour de nouvelles informations ou perceptions. D’ailleurs on dit justement dans ces cas « je vois ! ».

 

Et vous, ça vous est arrivé ?

 

 

 

Extrait de séance est une série d’articles qui propose un aperçu de ce que peut être la réalité de notre travail de psy, en mettant en lumière des instants particuliers. NB : Pour respecter le secret médical certaines informations sont modifiées.

 

Credit photo: Madison Mc
(Elle a fait ce montage suite à une proposition que lui a fait son thérapeute d’illustrer son expérience des séances).

 

Découvrez des extraits de séances et d’autres moments inédits de dévoilement du thérapeute dans mon ouvrage « Dans la peau du psy »

3 Comments
  • Dominic
    Posted at 10:13h, 06 août Répondre

    Merci pour ce court témoignage qui peut donner à penser profondément dans nos espaces mystérieux !

    Lorsque je faisais ma psychothérapie vers l’âge de 25 ans (est-ce que c’est juste de dire qu’on la « fait ? »), il y avait un petit âne en velours côtelé dans la loge du bureau qui me faisait face, celui du psychiatre. Ce petit âne, pas moins important que le psychiatre, était chaque fois là, dans la même position, et regardait toujours vers moi. La femme de ménage qui prenait les poussières devait à coup sûr bien l’aimer pour l’installer si soigneusement !

    Les semaines, les mois, les saisons, les Noëls se sont succédé, et le jour de ma dernière séance était arrivé, qui était aussi le dernier jour du psychiatre prenant sa retraite… L’âne n’était plus là ! Je m’en étais immédiatement aperçu en arrivant :
    « Mais pourquoi il n’est plus là ? Vous l’avez donné à quelqu’un ? »
    — Non, je l’ai jeté.
    — Et moi qui voulais vous demander si je pouvais l’avoir !
    — Désolé, c’est quelque chose que je ne pouvais pas deviner…

    Pendant une séance, la secrétaire médicale avait entrouvert la « porte de service » :
    « Docteur, c’est Monsieur (…) qui a appelé, il vous demande s’il doit aller au deuxième rendez-vous de cette dame avec qui il est déjà allé manger au restaurant, qu’est-ce que je dois lui dire ?.. »
    — Arrrh ! Cet homme a 55 ans, dites-lui que je le laisse décider comme un grand, grand, grand garçon ! Ah mais ce n’est pas possible !.. Maintenant ne me dérangez plus sans cesse pour rien ! Allez ! Allez !..
    — Vous n’êtes pas doux avec votre demoiselle d’honneur.
    — Je la supporte depuis vingt ans, j’aurais dû la virer dès le début, mais maintenant c’est trop tard, elle me fait pitié !
    — Moi elle me manquerait.
    — Hahaha !
    — C’est vrai, même si je ne sais pas pourquoi, et je peux presque vous le prouver. La semaine passée, quand je faisais le placeur au Cinéma Colisée, j’ai fait signe à une femme qui venait d’entrer, et suis allé tout de suite lui faire la bise, puis juste après j’ai pensé : « Mais qui c’est ? Je ne me souviens plus !.. Oh c’est la secrétaire du médecin ! Qu’est-ce qui m’a pris ?.. » Elle n’avait pas mal réagi, heureusement !
    — Tiens… Pour une fois elle n’a pas eu besoin de me parler de ses grandes aventures…

    J’aimais bien qu’elle soit là, comme l’âne, et même les mouches qui en pleine chaleur harcelaient le Docteur, je n’aurais pas voulu qu’elles s’en aillent :
    « Si vous écrasez cette mouche, vous aurez un client en moins ! »
    — Des patientes qui se transforment en Cendrillon avant de venir au cabinet, c’est possible, mais des patients en mouche, je n’ai encore jamais vu…
    — Vous n’avez pas compris, si vous tuez cette vraie mouche c’est moi qui ne reviendrai plus.
    — C’est encore plus triste…

    Pour votre tableau que vous n’aviez jamais remarqué, et si vous l’aviez bien vu chaque fois, mais très tôt effacé parce qu’il ne vous plaisait pas, et un jour il vous est apparu sous un autre regard ? Le tableau est resté le même, c’est votre esprit qui a subitement changé pour que le négatif de votre mémoire parvienne à générer des couleurs…

    Un jour je croisais un voisin dans le corridor de l’immeuble, je l’avais salué brièvement pour gagner rapidement la sortie, mais il m’avait pris la main pour saluer plus fort avec un bon sourire. Et moi :
    « Vous êtes nouveau locataire ?.. »
    — Mais… Depuis dix ans nous nous croisons dans le corridor, l’ascenseur, la cour. Vous ne vous souvenez pas de moi ?..
    — Certainement oui, dans un autre monde.
    — Eh bien aujourd’hui nous nous saluons dans le même monde ! Et j’espère que demain aussi !

    Pensez-vous que ce phénomène ne soit pas possible pour une peinture au mur s’il peut se manifester pour une personne ? Bien sûr je mets ensemble des éléments qui ne sont peut-être pas plus proches entre eux que les étoiles. Mais là où nous pensons, voyons, savons et croyons, l’univers est si grand, pas possible de le faire plus petit… Par contre on peut se faire plus grand pour moins risquer de se perdre !

    • Thomas Noyer
      Posted at 13:19h, 06 août Répondre

      Merci pour ce témoignage.
      J’aime beaucoup votre idée de se faire plus grand; peut-être simplement exister pleinement pour être conscient de l’âne et du tableau… et de tout le reste.
      Je crois au fait de faire de l’espace mental en soi pour accueillir ce qui est déjà là mais inaccessible pour l’instant.

      • Dominic
        Posted at 17:55h, 06 août Répondre

        C’est certainement ce que vous faites quand le nouveau ou la nouvelle patiente est assise ni trop près ni trop loin de vous, et ce n’est pas du temps perdu pour faire déjà connaissance sans avoir besoin de dire tout de suite quelque chose d’important. J’envie les chats qui nettoyent leur fourrure, se relaxent, dressent l’oreille, avancent la patte pour marquer leur présence, tout cela en même temps. Et nous si on s’étonne deux secondes de trop pour regarder le beau paysage en conduisant, on part dans les décors. Quand je suis accueilli dans le bureau de mon conseiller bancaire, pendant qu’il commande à sa secrétaire deux cafés, je prends chaque fois le temps de regarder la grande et belle peinture au mur, et chaque fois je pense : « Ce sera toujours aussi beau, horriblement beau le jour où je devrais apprendre que mes actions ne valent plus rien ». L’entier tableau de notre vie, il est des situations où parfois il faut savoir l’oublier…

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