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Extrait de séance – on tourne en rond

Extrait de séance – on tourne en rond

Après une année de psychothérapie, je me sentais dans une impasse. Malgré sa régularité et son apparent engagement, j’avais la sensation que ma cliente était imperméable à ce que je pouvais lui offrir de lien, de soutien et de pistes.

 

       Moi :

Ça fait un moment que j’ai l’impression qu’on tourne en rond, et je ne sais pas comment poursuivre

       Cliente (fond en larme… puis après un moment) :

Mon ancienne thérapeute m’a dit la même chose au bout d’un moment, et elle m’a dit qu’elle ne pouvait plus rien faire pour moi

       Moi :

Je n’ai pas l’intention de vous laisser tomber sans essayer de comprendre ce qu’il se passe

       Cliente (les larmes montent) :

       Moi :

Vous êtes d’accord qu’on tourne en rond ?

       Cliente :

Oui…

       Moi :

Avec vous je me sens impuissant, j’ai comme l’impression que vous mettez en échec toutes mes tentatives de vous aider… Est-ce que ma remarque vous parle ?

 

Commentaire

Pour cette cliente, aller chercher de l’aide auprès d’un professionnel était en contradiction avec sa croyance qu’elle devait tout faire elle-même. Durant la suite de notre échange, elle s’est rendue compte qu’elle mettait inconsciemment en échec ses thérapeutes pour se prouver qu’elle pouvait se débrouiller seule. C’était la manière qu’elle avait trouvé de concilier ses deux besoins apparemment contradictoires de soutien et d’autonomie.

Une fois qu’elle a pris conscience de ce fonctionnement elle a pu s’ouvrir à moi tout en étant rassurée que je n’allais pas la rendre dépendante, et je n’ai plus eu cette impression de tourner en rond ou qu’elle était imperméable. J’ai également pris conscience que cette sensation que j’avais de tourner en rond correspondait à la présence d’une incohérence entre ce qu’elle montrait à l’extérieur et ce qu’elle vivait à l’intérieur.

De manière générale je crois avoir remarqué que le fait de tourner en rond en thérapie sous-entend souvent une incongruence (une incohérence), c’est-à-dire qu’il y a un secret, un tabou, une honte ou une impossibilité d’être pleinement authentique. La remarque est valable d’un ou des deux côtés : client ou thérapeute.

 

 

Extrait de séance est une série d’articles qui propose un aperçu de ce que peut être la réalité de notre travail de psy, en mettant en lumière des instants particuliers. NB : Pour respecter le secret médical certaines informations sont modifiées.

Crédit photo: Madison Mc
(Elle a fait ce montage suite à une proposition que lui a fait son thérapeute d’illustrer son expérience des séances).

 

Découvrez des extraits de séances et d’autres moments inédits de dévoilement du thérapeute dans mon ouvrage « Dans la peau du psy »

6 Comments
  • Olivier Wilhem
    Posted at 21:52h, 11 avril Répondre

    Comme thérapeutes ( les trois mousquetaires), quel conseil donneriez-vous à Julian Assange?
    (bien sûr, s’il vous demandait conseil)

    • Thomas Noyer
      Posted at 22:45h, 11 avril Répondre

      Afin de vous répondre adéquatement, je prendrai avant tout soin de lui demander sa permission pour un nouvel « extrait de séance » (anonyme, il va de soi). Je compte sur votre discrétion, d’avance merci!

      • Olivier Wilhem
        Posted at 00:37h, 12 avril Répondre

        Merci l’ami, bien sûr que ça restera entre nous.
        P.S. Je cherche à me défaire de mon addiction à ces blogs et vous allez voir que je vais y arriver:)
        Etant donné le niveau, ce ne devrait pas être aussi dur? Bon ptêt une situation hivernale, enfin, vous connaissez ça, vous les psys… .

  • Thomas Noyer
    Posted at 08:50h, 12 avril Répondre

    Ah, c’est donc vous les 42 abonnés (à part ma maman)! Pour l’addiction, bravo, je sais combien c’est dur! Tout à fait entre nous, j’ai moi aussi une addiction: à l’écriture de ces articles de blog.
    Je tâcherai de tenir compte de votre remarque pour baisser la cadence et surtout la qualité. Je n’aimerais pas me sentir responsable de votre mal-être!

  • Hakim Mouaneb
    Posted at 23:10h, 25 mai Répondre

    Vous avez pris un risque important me semble-t-il d’engueuler votre cliente (patiente ça sonne mieux mais peut être les psychologues n’ont pas le droit de les appeler patients) alors qu’elle est d’office en mauvais état psychologique. Si j’étais à sa place je serais parti et nous n’aurions pas eu le plaisir de lire cet article.

    • Thomas Noyer
      Posted at 01:32h, 26 mai Répondre

      Merci pour votre commentaire.
      Je préfère le terme client, qui je trouve me connote moins comme expert que celui de patient. Mais je dois avouer que je dis patient quand je travaille en milieu psychiatrique, car les médecins ne sont pas habitués au terme client.
      Je n’ai pas eu l’impression d’engueuler ma cliente, et quand je lui ai fait lire cet article de blog en lui disant qu’il s’agissait d’elle, elle m’a dit qu’elle était touchée et rassurée de se sentir comprise.

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